Journal de Paul-Marie Coûteaux

"Une certaine Idée de la France et du monde"

La vertigineuse addition des délires du système des partis, de l'égotisme de notre bocal politique où se sont perdus, hélas, ceux qui ont tour à tour prétendu relever le drapeau, d'une longue suite de gouvernements nuls, de l'incurie de dirigeants qui n'ont de responsables que le nom et, par-dessus tout, de l'oubli par notre peuple de tout souci de lui-même, a créé autour de nous une situation certes douloureuse mais que la France a souvent connue : le chaos. Nous voici près de ce que Bainville appelait la "récurrente anarchie française", dont nous n'apercevons encore que les premiers prodromes. Ce n'est pas une raison pour croire que la France se meure. Qui connaît l'Histoire sait qu'elle en a vu d'autres, et que l'essentiel est toujours, et en dépit de tout, de faire vivre une idée de la France, et à travers elle une idée de la diversité et de la beauté du monde. Cette idée resurgira tôt ou tard : il suffit de la garder au coeur, de distinguer ce qui meurt et ce qui vit, de voir, de comprendre, de protéger la langue, et d'écrire. Voici la suite d'un journal que je tiens depuis 1992, dont j'ai déjà fait paraître des extraits dans un ouvrage, "Un petit séjour en France", ainsi que divers blogues-notes, "For intérieur" puis "Une certaine Idée"...


mardi 4 mars 2014

Sur un songe : « Chère Madame, votre maison brûle ! »


Lundi 24 février 2014. Une idée me vient souvent à l'esprit dans les rues de Paris, ou dans le métro, et je m'amuse à la mettre en scène comme en songe :  à la dame bien mise qui s'attarde d'une vitrine à l'autre en se demandant comment elle va pouvoir dépenser son argent, je me vois allant dire, en prenant l'air le plus alarmé possible : « Madame, on me charge de vous dire que votre maison était en train de brûler ! » ; ou bien, au quidam débonnaire qui arbore un bon sourire satisfait en déambulant d'un train de sénateur : « Monsieur, plus une minute à perdre : il y a le feu chez vous ! ». A coup sûr, ces tranquilles personnes s'alarmeraient aussitôt, prendraient leurs jambes à leur cou pour rentrer chez elles en appelant les pompiers, mobilisant leurs amis disponibles, se démenant comme de beaux diables pour éteindre l'incendie et protéger leur maison. Hélas, si cette maison est collective, s'il s'agit de la nation entière, si ne brûle que la France, bien peu s'alarment et se mobilisent. Or, les conséquences du délabrement national, de l'éparpillement de la civilisation, ou, pour commencer, du lent enlisement de la « common decency », sont aussi effrayantes que l'est un salon ou une cuisine incendiés. Chacun sans doute se croit protégé, et pense que la situation de la France n'a sur sa personne aucune conséquence... Jusqu'à ce qu'il soit happé par le désastre, chômage de longue durée, pauvreté sans remède, violences latentes  ou explosives au point d'imposer une sorte de couvre-feu dans tout un quartier – alors, c'est la résignation et la pauvre lamentation solitaire. Il est stupéfiant de voir avec quelle tranquillité la plupart de nos concitoyens font comme si de rien n'était...

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